Homélies


Qui suis-je ? Marc 8 


Le désert, les marges et l’ailleurs (4 février)


Il les enseignait en homme qui a autorité (Marc 1, 21-28)

28 janvier 2018

Nous sommes au tout début de l’Evangile de Marc. D’entrée Jean-Baptiste vient en scène et très rapidement il s’efface. Vient alors celui que le Baptiste annonçait. Dimanche passé, les premières paroles : « Le temps est accompli » Sûrement pas le temps historique mais le temps du désir, le temps de l’ouverture du cœur. Le temps d’un monde nouveau. Le temps est celui d’un Dieu proche. Non pas un « tout-lointain », un « tout-distant » ni même un « tout-autre » ni un « tout puissant » mais un tout proche. Un Dieu de nos routes, un Dieu à nos côtés. Le Dieu qui habite nos peurs et inspire nos luttes. « Le Royaume de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez-en l’Evangile ». Un Dieu proche mais ce qui manque pour que cette proximité soit effective : l’ouverture de notre cœur, l’espace de notre conversion ! Dieu est avant tout un relationnel. Rien ne se fera en notre absence.
Vient alors l’appel des quatre premiers disciples : André, Jacques, Jean et Simon-Pierre.
Et ce groupe, on le retrouve à la synagogue de Capharnaüm, haut dans le nord de la Palestine. Voyant le sort réservé à Jean Baptiste en Judée, son arrestation, Jésus et les siens se réfugient dans le nord.

On ne sait pas ce qu’il enseigne. Est-ce tellement important. Ce qui marque c’est la puissance de vie qu’il communique. Les gens sont frappés car il enseigne en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. En plusieurs lieux de l’évangile, Marc sera plus explicite : « les scribes disent mais ne font pas ». Chez Jésus, il y a harmonie entre le dire et le faire. Aujourd’hui, on est fort attentifs à cette même cohérence. Nous sommes méfiants face aux idéologues, on attend de voir. On préférera l’engagement de Bernard Koucher aux belles promesses électoralistes. Dans la vie spirituelle, on ne se montre guère intéressés par les grandes synthèses théologiques… on se laissera davantage guider par les mères Teresa, les sœurs Emmanuelle ou les abbés Pierre.

A scruter l’Evangile, Jésus n’a aucune théorie sur l’existence du mal, son origine, sa raison, ses figures… Mais il lutte, de tout son être, contre le mal et ses structures. Preuve en est l’Evangile de ce jour.
Cette coïncidence entre le dire et le faire fait de Jésus quelqu’un qui a autorité.

Le mot autorité vient du latin « augere ». Augmenter. Agrandir, faire grandir. Développer.
Le bon enseignant qui a autorité n’est pas celui qui impose ordre et silence absolu dans les classes. Il est celui qui « augmente » la part d’humanité dans l’élève. Il est celui qui donne le goût de découvrir, de chercher, de se mettre en chemin, de manifester de l’intérêt pour notre monde. Il donne la force aussi aux jeunes d’être responsables, de prendre place dans le monde d’aujourd’hui (moins pour s’adapter au monde que pour adapter le monde à la grandeur de nos rêves). Il est certes celui qui augmente les connaissances de l’élève mais là n’est pas le plus déterminant.

Le bon patron qui a autorité est celui qui transmet une vision, une vision d’entreprise. Il est aussi celui qui rend responsables tous ceux et toutes celles qui sont ses collaborateurs.

Les parents ont aussi à exercer l’autorité. Elle est un équilibre difficile – une plume peut tout faire vaciller ; une toute petite parole à peine maladroite vient rompre cet équilibre- entre la compréhension et la cohérence, entre le cœur et l’exigence. Etre proche du vécu de l’enfant, accueillir ses colères par exemple, sans jugements, sans conseils, sans minimiser tout en étant fermes sur un cadre familial de vie. Etre écoute et rester fixé sur les objectifs (scolaires, sportifs, éducationnels….)

Mais nous sommes menacés par deux extrêmes : l’autoritarisme où on ne voit que l’ordre, les consignes mais on casse la relation et le laxisme qui laissera par exemple le jeune face à un vide. Or nous cédons vite à l’un ou l’autre de ces extrêmes : c’est plus facile et il suffit de laisser parler notre personnage spontané.

Jésus a bien habité cette dynamique.
Dans le passage que nous venons de lire, il manifeste de la compréhension à l’égard de la personne possédée. Ailleurs il accueillera, écoutera, consolera… Il manifeste aussi l’exigence forte de la conversion, ici il est ferme avec le possédé de ne pas se laisser dominer par le mal. Il appelle ce possédé au ‘combat’ intérieur afin que le mal n’ait pas l’emprise.

Evoquant François d’Assise, le théologien brésilien de la libération, Leonardo Boff, parlera pour qualifier l’attitude de ce dernier de « force et tendresse ».
Force et tendresse, double chemin de bonheur et de développement.
Chemin de sainteté aussi.


Premiers appels Jean, 1, 35-42

Qui suis-je? Marc 8

Jean 1, 35-42

Très tôt dans l’Evangile, Jésus est entouré. D’emblée la dimension communautaire, ecclésiale, fraternelle s’impose. D’emblée s’invitent un vivre ensemble, un être ensemble, un faire ensemble, un prier ensemble. Très vite une fraternité et une solidarité sont des pièces majeures dans le « programme » de Jésus.

Jésus n’ignore pas les appels personnels ni les rencontres individuelles. Chaque appelé est porteur d’un nom, d’une histoire, de traits très personnels. Juda n’est pas Matthieu. Pierre est fort différent de Jean. C’est, d’autre part, le cœur de chacun que Jésus souhaite rencontrer non pas un cœur collectif, simplement universel, sans visage personnel. Par ailleurs, l’Evangile porte la trace de quelques rencontres personnelles de qualité : Nathanaël, Marthe, la Samaritaine, Nicodème…

C’est une vraie question aujourd’hui : beaucoup vivent leur foi de façon tout à fait personnelle mais font l’économie de la vie en communauté.

Quelques éléments viennent caractériser l’appel.

Chez les premiers disciples, il y a une attente. Leur histoire est habitée par un désir.  La tradition les porte vers une espérance. Un Messie annoncé. Les temps qui s’accomplissent. Leur cœur est ouvert à autre chose. C’est là une disposition fondamentale. Ces deux premiers disciples sont en recherche, pris dans une quête spirituelle. Ils sont chercheurs de Dieu, homme en marche, insatisfait sans doute d’une vie sans désir ni espérance. Jésus d’ailleurs de retourne « qui ou que cherchez-vous ? » Nous-mêmes trop souvent nous n’osons plus rêver. Blasés c’est comme s’il n’y avait plus de place pour le désir. Simplement des projets organisationnels. Cette question peut être vive dans l’Eglise. Sommes-nous acculés à répéter le passé, à l’entretenir, à sauver ce qui peut être sauvé ? Prenons-nous encore le temps de désirer ?

Un deuxième aspect fondamental de l’appel : vivre l’expérience de la rencontre de Dieu. Il n’y a pas de grands discours d’appel. Pas de paroles persuasives. Simplement l’invitation à la rencontre. Faire l’expérience intime de la présence de Dieu. Cette présence de Dieu se dit très délicatement dans l’évangile par la question « Où demeures-tu ? » Ne comprenons pas cette question en un sens banal : quelle est ta rue, ton numéro de maison, ton village… ? Plutôt quel est ton lieu d’origine ? D’origine humaine ? D’origine divine ? Telle est la quête des disciples. Et, jeu de mots, les disciples prennent le temps de demeurer, de prendre toute la mesure que derrière le visage de Jésus homme se révèle la présence de Dieu ou que Jésus est l’Envoyé. Notre christianisme est souvent, trop souvent, un christianisme de valeurs. Un beau message ! Un message à transmettre parce qu’il a une valeur éducative pour nos enfants et nos jeunes. On parle de foi comme on parle de citoyenneté. La foi dépassant cela est rencontre. Elle est un « demeurer avec Lui… »

Un troisième aspect de l’appel est que celui-ci a une valeur transformante. Tout au long des Evangiles des hommes et des femmes vivront chamboulements, transformations, guérisons. Des hommes sont remis debout, d’autres prennent conscience de leur dignité, d’autres encore s’ouvrent au partage… Simon reçoit un autre nom, une mission.

Enfin, même s’il y a encore d’autres coins et recoins du texte à scruter, l’appel rebondit. Les appelés deviennent responsables, rayonnants, témoins, apôtres. Ils en appellent d’autres. C’est le début d’une longue histoire d’appel. L’appelé regarde bien au-delà de son appel personnel, bien au-delà du confort qu’il expérimente, il ouvre une histoire, premier ou xieme maillon d’une histoire qui est venue à pied, de bouche à oreille, « un par un » jusqu’à nous.

Nous aussi nous sommes invités à être des chercheurs de Dieu, des hommes et femmes qui font l’expérience de l’intimité de Dieu et qui en sont transformés et qui, à notre tour, devenons appelants.